Epouvantail


Pages blanches dans le vent. Le vent pousse le temps, nous vole dans les plumes, nous presse. Il précipite les nuages dans sa course, qui s’amoncellent, crèvent, pleurent.

Le sol, encore plein de la dernière ondée, vomit l’offrande du ciel en d’inextricables torrents de boue dévastateurs, et la terre se couvre de ce nouveau vernis. Un cache-misère de fortune, qui s’étale lascivement sur l’humus sans fond d’une vallée où plus rien ne pousse.

A travers le grain incessant, on entraperçoit une ferme abandonnée, et ses champs en éternelles jachères. Le dernier habitant est un mannequin qui se balance dans les bourrasques, un épouvantail bouffé par les champignons. L’infâme guenille tangue dans le vent qui la tient et la tue doucement.

Les oiseaux sont partis il y a maintenant longtemps. Abandonnée par ses créateurs, la créature subsiste à sa cause. Et désespère.

L’épouvantail ignore que les germes de la renaissance résistent en lui. Ses membres pourris, criblés de grains et imbibés d’eau et de terre, formeront, lorsque sa carcasse s’écroulera sous la dernière rafale, le terreau d’un nouveau départ.

(Image : "lovelyindeed" @ deviantart.com)